Le courage de ne plus tout porter seule

Aujourd’hui ma mère m’appelle pour m’annoncer qu’elle et mon père veulent m’acheter une voiture. Je sens que mon corps se crispe, se tend. J’ai le regard vide a regarder le mur de mon bureau. Tout en moi se bloque. Une question monte : Ne devrais-je pas etre heureuse? Pourquoi cette proposition, pleine d’amour et de bienveillance, provoque-t-elle une résistance en moi? Qu’est ce qui cloche en moi? J’en parle à une amie elle me dit « cette part de toi, est ce que c’est pas celle qui est sur independante, celle qui veut tout faire toute seule, et qui se dit qu’elle devrait payer toute seule sans l’aide de personne? » Ses mots me bouleversent. Je l’appelle et la, à l’instant ou son visage apparait sur mon écran de telephone, je lache, mon corps lache, mes larmes se mettent a couler le long de mon visage, je comprends que je viens de toucher un nœud — un de ces nœuds intérieurs qui, à force d’être ignorés, deviennent contraignants, étouffants, je pleure fort, j’essaye de retenir mes larmes, mais impossible, ce n’est plus le moment de contrôler. C’est le moment de libérer. Je sais qu’elle a vu juste et que nous étions au bon endroit. Nous étions arrivées à cet endroit sensible, celui où la fatigue de « tout porter seule » devient trop lourde. Cet espace intérieur où je n’en peux plus d’être forte, autonome, résistante. Cet endroit où la solitude se fait sentir, pas celle du silence, mais celle du cœur qui aimerait tant être accompagné, épaulé, soutenu quand il n’a plus de force.

Et face à ce constat, une vérité douloureuse se dévoile :
Derrière cette indépendance si valorisée se cache une croyance bien plus sournoise — celle qui murmure que si je reçois de l’aide, c’est que je ne suis pas capable. Que je ne suis pas assez. Que je ne mérite pas. Cette phrase résonne profondément, et mon corps continue de pleurer. Ce ne sont plus seulement des larmes de tristesse, mais aussi de reconnaissance. Celles d’un relâchement. Il y a un grand besoin de laisser sortir, de purifier, de transformer.

Aujourd’hui, je choisis de transmuter cette croyance limitante en une croyance plus lumineuse :

Oui, je suis capable. Et oui, je peux aussi être aidée, soutenue, aimée, sans que cela enlève quoi que ce soit à ma valeur. Recevoir, c’est aussi un acte d’amour envers soi. C’est reconnaître que la force ne réside pas dans le fait de tout faire seule, mais dans la capacité à s’ouvrir, à accueillir, à faire confiance.

Et peut-être qu’au fond, c’est ça, grandir :

Apprendre à ne plus confondre l’indépendance avec l’isolement, la force avec la fermeture, la fierté avec la peur d’être vulnérable.

Cette image du féminisme qui nous colle à la peau crée parfois de nouvelles injonctions.
Ce mouvement, qui célèbre la femme forte, indépendante et affranchie des codes patriarcaux, oublie parfois une dimension essentielle : la profondeur de la féminité dans toute sa richesse.

Être une femme libre ne signifie pas nier sa sensibilité, sa douceur, ou son besoin de lien.
La vraie puissance féminine ne se mesure pas à la capacité de rivaliser avec les hommes sur leur terrain, mais à celle d’incarner pleinement sa nature — dans son équilibre entre force et vulnérabilité.

La femme d’aujourd’hui peut être à la fois ancrée et intuitive, ambitieuse et bienveillante, déterminée et tendre. Elle n’a pas besoin de se couper de son essence pour prouver sa valeur.

Le danger, c’est qu’en cherchant à déconstruire les anciens modèles, on crée parfois de nouvelles injonctions : celles d’être performante, indépendante à tout prix, émotionnellement invulnérable.

Or, la véritable liberté féminine naît lorsque la femme s’autorise à être tout ce qu’elle est : créatrice, sensible, puissante, changeante, cyclique, ancrée dans une sagesse ancienne.
Ce n’est pas un retour en arrière, mais une réconciliation.

Une manière de rappeler que la féminité n’est pas une faiblesse à dépasser, mais une force à honorer.